See the sea.
Regarde la mer.

« La mer est un espace de rigueur et de liberté. »
Victor Hugo.

La mer. Simple étendue bleue. Ou pas. Ce bleu, justement, n'est pas si uniforme que ça. Penchez-vous un peu, et vous verrez par vous même. Vers la côte, ce n'est pas très beau, l'eau se mélange au sable brun et aux petits coquillages, remuée par les vagues qui viennent lécher le sable inlassablement. Je n'aime pas vraiment, ça donne l’impression que l’eau est trouble, sale. Mais avez-vous déjà pris un bateau qui vous emmène au large, là où l’on ne distingue même plus les côtes, où il y a seulement la mer à perte de vue ? L'eau y est bleue comme jamais. Bleu comme le saphir. Des vagues se forment, orgueilleuses, se dresse, s’enroulent et s'écroulent avant d'arriver sur la côte. Des vagues énormes, bordées d'une écume blanche et mousseuse telles un troupeau de chevaux sauvages, farouches et plus indomptables que le vent. L'écume n’est pas souillée par les algues, le sable et les cailloux, elle est d’un blanc pur et scintillant comme de l’albâtre. Sinon, peut-être que vous avez déjà vu la mer près des îles ? L'eau est toujours bleue, toujours, mais plutôt turquoise, même presque un peu verte et d’une transparence impressionnante. C'est merveilleux. Je ne saurais pas très bien décrire ce bleu lumineux et limpide d'une beauté incroyable. Je crois et j’espère que c'est bien une des choses que l'homme ne pourra jamais modifier : la couleur de la mer.
Et moi je pourrais rester des heures, assise dans le sable blanc brûlant.
Quelle étrange sensation sur mes jambes nues.
Je ne m'en lasserais jamais.

Au dessus de la mer, le ciel est bleu lui aussi, parfois leur teinte est tellement proches que l’horizon semble s’effacer au loin et on n’est plus capable de distinguer le ciel de la mer. Unis par un bleu parfait et unanime. Souvent je reste tard pour voir le soleil se coucher. La mer prend une teinte différente chaque soir et reflète le ciel orangé du crépuscule. J'aime rester la nuit, en été, parce que même s'il fait un peu froid, le sable conserve la chaleur des rayons du soleil. Je m'allonge dedans et je regarde les étoiles scintillantes, légères touches de pinceau sur la toile sombre du ciel. Le mieux, c'est en août, parce qu'il y a des étoiles filantes. Je scrute le ciel jusqu’à en voir une : un éphémère trait lumineux qui traverse l’obscurité et qui à chaque fois me fascine. J’aime attendre ces instants magiques qui font naître en moi un émerveillement nouveau à chaque fois. J'écoute d'une oreille le la mélodie des vagues contre les rochers de la digue. Comme une berceuse. Et souvent, je m'endors.
Le ciel et la mer.
Les deux plus belles choses du monde.

J'étais assise en tailleur sur la digue, là où les gamins ne viennent pas me déranger parce que c’est soi-disant trop dangereux. Moi j’aime bien la digue, on est face à la mer et il suffit juste que je bascule ma tête en arrière pour qu’il n’y ait plus que le ciel et les nuages. Peut-être que c'est pour ça que mes yeux sont bleus, à force d’admirer le paysage toute la journée.
Ce jour-là il faisait un peu gris alors j’étais seule sur la plage désertée et il y avait de vent, beaucoup de vent. Mes cheveux blonds virevoltaient dans tous les sens et c’était peine perdue pour essayer de les caler derrière mes oreilles. J’ai fermé les yeux. Toutes les odeurs que j’aime vont venues jusqu’à moi, ces parfums inconnus qui viennent de ces pays inconnus de l’autre côté de la mer, sources inépuisables de tous mes rêves. Je sentais le vent s’engouffrant dans mes vêtements, contre ma peau, j’entendais le son des vagues contre les rochers, le chant des oiseaux marins au dessus de l’étendue bleue et pourtant, j’étais ailleurs. J’étais entrée dans une sorte de transe euphorique, enfermée dans ma bulle, comme un rêve éveillé.
Du coup, je ne l'ai pas vu arriver.

Le jeune homme tenait dans sa main une pokeball. Un dresseur, sans aucun doute. Peut-être avait-il rendez-vous pour un duel ? Ou alors prévoyait-il un entraînement intensif pour battre le Champion de la prochaine arène ? J’étais prête à parier qu’il était là pour ça. Tous les dresseurs se ressemblent, au bout de compte. C’en était presque écœurant.
Sauf que lui, il n'a pas pas fait comme les autres. Il s'est assis dans le sable et je l'ai regardé faire sortir son pokemon. C'était un Poissirène, un danseur des flots doté d'une grâce et d'une souplesse surnaturelle. J'aime leur corps svelte et élégant, leurs nageoires souples et brillantes semblables à des voiles agitées par le vent ; ils glissent dans l'eau, tourbillonnent, dévoilant un balais aquatique parfaitement exécuté. Le garçon, lui, semblait perplexe ; il contemplait la mer, la tête légèrement inclinée sur le côté, comme perdu dans la contemplation du tableau. Je voyais rarement des gens qui s'asseyaient, attendaient et qui regardaient sans un mot alors je me suis levée, et je suis allée le rejoindre.

« Bonjour. Comment t'appelles-tu ? C'est beau, n'est-ce pas … ? »

Questions idiotes. Pénibles. Sans intérêt. Je n'avais pas besoin de connaître le nom d'une personne à qui je vais parler une fois dans ma vie. Mais il faut bien un début à tout. Ma dernière phrase n'avait été qu'un murmure rauque emporté par le mistral. Je me tenais derrière lui, les mains dans le dos et je regardais son pokemon jouer dans les vagues. Il était une tache scintillante au milieu de la mer agitée, un rayon de soleil au milieu d’un ciel orageux. Parfois j'avais même l'impression qu'il s'envolait en entraînant derrière lui une myriade de perles coruscantes. Un sourire à étiré mes lèvres. Imperceptiblement. Et je ne savais même pas pourquoi ; j'étais juste heureuse.

Mars 2010, L’île de Capri, un coin de paradis.
J’aurais pu y rester pour l’éternité.